vendredi 11 décembre 2009

L'affiche rouge d'Aragon

Le figaro publie aujourd'hui les photos de l'éxécution du groupe Manoukian, photos que l'on vient seulement de retrouver dans les archives et qui avaient été prises par un officier allemand.

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/12/11/01016-20091211ARTFIG00428-les-derniers-instants-du-groupe-manouchian-.php

On savait tout cela et on l'imaginait aisément mais voir les photos de ce moment c'est se retrouver un instant avec ces résistants qui ont inspirés à Aragon l'un de ses plus beaux poèmes:  " L'affiche rouge" que voici:



Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes


Ni l'orgue ni la prière aux agonisants

Onze ans déjà que cela passe vite onze ans

Vous vous étiez servis simplement de vos armes

La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans



Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes

Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants

L'affiche qui semblait une tache de sang

Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles

Y cherchait un effet de peur sur les passants



Nul ne semblait vous voir Français de préférence

Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant

Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants

Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE



Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre

A la fin février pour vos derniers moments

Et c'est alors que l'un de vous dit calmement

Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre

Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand



Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses

Adieu la vie adieu la lumière et le vent

Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent

Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses

Quand tout sera fini plus tard en Erivan



Un grand soleil d'hiver éclaire la colline

Que la nature est belle et que le coeur me fend

La justice viendra sur nos pas triomphants

Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline

Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant



Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent

Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir

Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant


Voilà ma contribution pour le nauséeux débat sur l'identité nationale et l'on pourra lire aussi la dernière lettre de Manouchian à sa femme dont s'est visiblement inspiré Aragon:



http://pagesperso-orange.fr/pcf.evry/manoulettre.htm  

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