samedi 15 février 2014

Kamel Daoud. Meusault, contre-enquête.

Je termine la lecture de « Meursault contre enquête » de Kamel Daoud et je dois dire que,  ayant commencé le livre, je n’ai pu le lâcher qu’à la fin. Ecrit dans une langue superbe et il y a d’ailleurs, au passage, dans ce roman un bel éloge de la langue française, ce fameux « butin de guerre » que Kamel Daoud a su si bien exploité.
Mais c’est évidement le parti de l’écrivain qui intéresse et nul ne pourra désormais lire l’Etranger de Camus avec le même regard. Là ou Camus n’évoque que l « l’arabe » surgit un homme dont le frère, très jeune, au moment ou l’Arabe est tué  passe sa vie a essayé de chercher ce frère et a le faire revivre.  L’écrivain connaît très bien l’œuvre de Camus, l’Etranger, bien sûr, mais aussi la chute puisque ce frère de l’arabe fait son récit dans un bar sous forme d’une confession qui n’est pas sans rappeler La Chute.
« Songes-y, c’est l’un des livres les plus lus au monde, mon frère aurai pu être célèbre si ton auteur avait seulement daigné lui attribuer un prénom, H’med ou Kaddour ou Hammou, juste un prénom, bon sang ! »
« Ah, la plaisanterie ! Tu comprends maintenant ? Tu comprends pourquoi j’ai ri la première fois que j’ai lu le livre de ton héros ? Moi qui m’attendais à retrouver dans cette histoire les derniers mots de mon frère, la description de son souffle, ses répliques face à l’assassin, ses traces et son visage, je n y ai lu que deux lignes sur un arabe. Le mot « Arabe » y est cité vingt cinq fois et pas un seul prénom, pas une seule fois. »
Il y a, aussi, dans ce beau roman, des notations sur l’Algérie d’après l’indépendance, sur la place de la religion que le narrateur déteste, sur la régression des femmes dans ce pays. Le narrateur a connu et aimé une femme qui a résisté a la pesanteur sociale, une femme libéré comme il en existe, selon lui de moins en moins dans le pays. S’inspirant du dialogue de l’Etranger condamné a mort avec le prêtre, il y a de belles pages d’invectives, de cris contre cette religion qui veut s’insinuer partout.

Au total un magnifique roman qui  a connu des critiques très positives et qui devraient connaître, je l’espère, une grande diffusion en France. Souhaitons, dès lors, que les Editions Barzakh fassent le nécessaire pour que ce récit puisse trouver son lectorat en France. Je me rends compte qu'il ne sera disponible sur Amazon qu'en mai 2014. J’espère vraiment qu'alors  on reparlera  de ce beau roman.

vendredi 14 février 2014

Jean Baubérot: Une si vive révolte

Jean Baubérot qui publie aux Editions de l’Atelier « Une si vive révolte » est un universitaire de haut vol, très ancré dans le protestantisme puisqu’ il fut, au moment de  sa retraite d’enseignant, candidat malheureux a la présidence de la Fédération Protestante de France. Ce livre qui vient de paraître est le dernier d’une longue liste consacrée, pour l’essentiel a l’étude de la laïcité. Une si vive révolte est une sorte d’autobiographie et, son préfacier Edwy Pleynel évoque à son sujet « Les mots » de Jean Paul Sartre.
L’intérêt essentiel, pour moi, c’est que ce livre retrace dans toute sa première partie l’itinéraire intellectuel et la formation d’un jeune homme brillant, issu de la classe moyenne qui, comme beaucoup de jeunes  se révolte contre le monde tel qu’il est et qui nous fait nous souvenir de toutes les enthousiasmes et de toutes les illusions de ces révoltes, pour , enfin , rejoindre la société et s’y intégrer pleinement.
Je me suis demandé en lisant cette partie si la jeunesse aujourd’hui connaissait encore ces enthousiasmes et ces révoltes. Il serait dommage que cela ne soit pas le cas car, même si ensuite, ces jeunes finissent par intégrer la société ils  ont, malgré tout,  fait germer quelques idées qui ensuite progressent.
Il y a aussi dans la suite du livre le récit du combat de ce professeur devenu Président d’un organisme d’enseignement pour organiser et moderniser cet établissement et on sort de ce récit anéanti par la bureaucratie qui règne dans ces milieux que l’on pourrait penser plus ouvert et plus dynamique.
Enfin la dernière partie est le combat mené par Jean Baubérot pour une certaine conception de la laïcité. L’auteur a écrit de nombreux livres sur cette question et il a fait partie de diverses commissions notamment au moment des affaires de voile et principalement de la Commission Stasi dont il fut un de ceux qui ne votèrent pas le rapport. Il s’en explique.

Somme toute un  récit intéressant sur le milieu universitaire et sur  un itinéraire intellectuel qui mena le jeune révolté jusque dans les cabinets ministériels !
tous les livres sur Babelio.com


lundi 10 février 2014

Nouvelle biographie d'André Gide

Je viens de terminer la lecture de la volumineuse biographie d'André Gide par Franck Lestringuant: deux tomes de plus de mille pages chacun! Après une lecture comme celle là il n y a plus grand chose de la vie de cet écrivain que l'on ignore surtout, lorsque , comme moi, on a déjà lu de nombreuses autres études. Il n'en reste pas moins que j'admire toujours autant l'écrivain et son style absolument classique, mais aussi l'homme de réflexion qui a montré, tout au long de sa vie qu'il pouvait se tromper ( affaire Dreyfus au début, admiration de la droite au début, communiste au début...)mais qu'il avait assez de jugement et de courage pour renier ses erreurs et faire la juste analyse. Qui peut en dire autant?
Ce qui domine c'est le courage et il lui en a fallu beaucoup, à plusieurs moments de sa vie. d'abord pour vivre selon sa personnalité, pour s'accepter et se faire accepter dans un monde si contraire a ce qu'il était. Du courage encore lorsqu'il a publié son livre sur l'homosexualité "Corydon" alors que tous ses proches  ont tenté de le dissuader de le publier. Du courage enfin et de la lucidité sur le communisme avec Retour d'URSS et Nouveau retour d’URSS où il a mis en évidence avant beaucoup les tares graves du régime soviétique. Sa position était d'autant plus forte et admirable qu'il avait , au début ,mis ses espoirs dans le communisme mais il a su voir et ne pas s'enfermer dans l'erreur. Qui encore peut en dire autant?
Enfin lucidité et courage également lorsque après ses voyages en Afrique noire il livra dans un livre un véritable réquisitoire contre la colonisation  De tout cela il resulte que l on peut lire encore avec profit Andre Gide