samedi 22 mars 2014

Assia Djebar: "Nulle part dans la maison de mon père"

Je relis le récit d’Assia Djebar : « Nulle part dans la maison de mon père » paru en 2007 aux Editions Fayard. 
C’est le récit de son enfance et de sa jeunesse dans l’Algérie coloniale dans les années 50. Elle, la fille d’un instituteur, personnage à part dans ce pays, entre les traditions de son peuple et celles de la France. Il y a de très belles pages sur son initiation à la musique et à la littérature.

Quand elle a été reçue à l’Académie Française, elle a, tout en condamnant clairement les méfaits de la colonisation, fait un bel éloge de la langue française. On apprend en lisant son récit comment elle est entré dans cette langue. Il faut citer ce long passage :
« Comment raconter cette adolescence où, de dix à dix-sept ans, le monde intérieur » s'élargit soudain grâce aux livres, à l’imagination devenue souple, fluide, un ciel immense, découverte, lectures sans fin, chaque livre à la fois un être (l’auteur), un monde (toujours ailleurs), l’effervescence intérieure traversée de longues coulées calmes où lire c’est s’engloutir, s’aventurer à l’infini, s’enivrer, l’horizon
qui se déchire, recule, même à l’intérieur de la salle d’études d’un internat de jeunes filles, pensionnaires toutes en blouse bleue, la mienne ayant en plus ses poches déchirées qui bâillent, un livre dans l’une, à droite, un livre dans l’autre, à gauche. »

Elle évoque ensuite Madame Blasi, celle qui lui a fait découvrir la poésie pour la première fois par une lecture de l’invitation au voyage de Baudelaire :
« Mon enfant, ma sœur
Songe a la douceur…. »
Elle en reçoit un véritable choc esthétique, une réelle émotion et son récit me fait penser à l’émotion du jeune Camus lors de la lecture par son maître des Croix de Bois de Roland Dorgelès.

Il y a aussi, la découverte aussi émerveillé de la musique et comme dans tout récit d’enfance et d’adolescence la découverte des premiers émois, avec ici, cette situation à cheval entre le monde de ses parents et celle de ses camarades européennes apparemment plus libres.

Au total un beau récit de formation dans cette Algérie coloniale des années 50.

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