lundi 21 septembre 2015

Jean Senac, le poète des deux rives.

J'ai fait état dans une de mes entrées de la biographie que Jean Maso a consacré au poète Jean Senac. Je viens de retrouver lors de mon séjour à Hammamet le livre qu'Emile Temime et Nicole Tucelli ont consacré aux Editions Autrement en 2003 à " Jean Senac, l'Algérien. Le poète des deux rives."avec une belle préface de Jean Daniel.
C'est un destin à pleurer que celui de ce poète, amoureux fou de l'Algérie, du soleil et de la mer et qui périra, assassiné (un assassinat jamais élucidé et probablement politique) à la manière de Pier Paolo Pasolini, dans le petit appartement sordide en sous sol qu'il occupait à Alger rue Elisée Reclus.
Ce livre revient en détail sur les engagements de Jean Senac en faveur de l'indépendance du pays auprés de ses amis algériens, sur les espoirs, fous en réalité, qu'il mettait dans ce pays nouvellement libéré, espoirs qui furent si cruellement déçus par les dérives du pouvoir.
Moi qui me suis intéréssé au rapport de Camus et de l'Algérie j y ai découvert, à la fois l'amitié, quasiment paternel de Camus pour Senac, les tensions entre eux au sujet de l'avenir du pays, tensions qui sont allées jusqu'à la rupture. Et, dans le fond, tous les deux se sont bercés d'illusions. Camus en croyant que l'Algérie pourrait rester structurellement lié à la France, seule condition à ses yeux pour que les "pieds noirs" puissent y demeurer et Senac en croyant que l'Algérie indépendante pourrait créer un pays ouvert où toutes les communautés, musulmans, juifs et chrétiens pourraient s'entendre harmonieusement!
Il y a dans ce livre tant et tant de pages émouvantes que j'aimerai recopier ici! Il faut lire ce livre honnête et documenté et je me contenterai de retranscrire, ici, l'hommage de René Char lorsque Senac fut porté en terre le 5 septembre 1974.

"Le mercredi 5 septembre, lorsque nous avons porté en terre le cercueil de bois cru qui renfermait ce regard que nous ne pourrons plus qu'imaginer, nous avions perdu le Verbe. Il était un peu plus de midi. Le soleil était blanc et la mer de ce bleu outremer qu'il aimait. Nous avons jeté sur son souvenir des roses rouges et des guirlandes de jasmin, là-bas, au fond du cimetière d'Aïn-Benian (Guyotville). C'était à nouveau lui, qui a toujours rejeté à coup de poings fermés l'hypocrisie et le mensonge. Il avait avec le petit peuple d'Algérie une communauté profonde de misère et de sombres combats.
Pendant la guerre de libération, à Paris, dans les rangs du FLN clandestin, il a payé de l'honneur de sa mémoire, de son courage, de son silence une algérianité qui n'avait rien d’esthétique. Constamment, il a hurlé, dans des poèmes qui demeurent les garde fous de notre honnêteté à tous, l'amour de son peuple, de sa terre, de la mer et du soleil."

Taisons-nous après cela et oublions l'ingratitude choquante du pouvoir algérien à son égard.

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