mercredi 31 mai 2017

Moralisation de la vie politique

L'élection présidentielle et maintenant les élections législatives sont dominées par cette volonté populaire de "moraliser" la vie politique.
Que des comportements anormaux et même choquants aient été commis , depuis longtemps par les politiques mais sans doute aussi par certains industriels ou commerçants est une réalité et que ces situations aient entraîné une suspicion chez les citoyens , une désaffection pour le politique et, de manière d'ailleurs assez illogique, un renforcement des extrêmes, des populistes "dégagistes" cela n'est pas douteux.
On ne peut cependant qu'être un peu inquiet devant ces attaques médiatiques fortes, répétées en boucle et se saisissant des faits anciens pour  attaquer non seulement les auteurs des actes mais pour affaiblir le pouvoir Que la presse révèle les faits et en fasse l'analyse une fois ou deux cela serait normal mais cette information mille fois répétée sur pratiquement toutes les télés et mobilisant des heures durant des journalistes et de prétendus "sachant" a quelque chose de malsain et d'abusif..Le Président Macron en est conscient qui tente de remettre la presse sa vraie place  qui n'est pas celle d'un juge et qui devrait réfléchir a sa manière de fonctionner car les français vont vite en avoir marre et ne pas comprendre ces acharnements successifs. Ils sont assez grands pour prendre connaissance des faits et se faire un point de vue sans entendre chaque fois qu'ils ouvrent leur radio ou leur télé ces ressassements.
Je pense qu'il y a là un danger celui de voir naître dans les rédactions et chez le peuple de petits Saint Just prêts a toutes les inquisitions et donneurs de leçon a peu de frais.Certains chroniqueurs ne sont pas loin de penser la même chose et certains citoyens critiquent la façon dont la presse traite cette affaire.
Il faut rapidement sortir de  cette espèce de volonté de n'avoir a faire au pouvoir qu' a des saints car on voit ou cela a souvent conduit les révolutions!
Est-ce a dire qu'il faut tolérer n'importe quoi? Bien sûr que non. Mais il faut impérativement se donner un cadre de réflexion et de jugement clair, ferme et sur lequel on sera ensuite intraitable.
Pour moi l’appel à la morale et à l'éthique n'est pas satisfaisant car ou devra  t on s'arrêter?
Prenons un exemple : celui de la rémunération et notamment celui des acteurs, des joueurs de foot ou des grands patrons. Selon la morale qui est la votre vous pourrez penser que gagner des millions et avoir d'u autre côté des travailleurs faisant un travail pénible gagner a peine de quoi survivre est injuste et contraire à une forme de morale.
Je pense donc que la seule règle qui doive s'appliquer est la loi, toute la loi rien que la loi.Chacun a le droit de faire ce qui n'est pas interdit et sanctionné par la loi et il appartient au législateur, poussé par les citoyens, de faire des lois strictes et de faire ensuite appliquer la sanction.
Tout cela aura le mérite de la clarté, de la prévisibilité et de la sanction. Cela ne laissera pas la place aux analyses plus ou moins vagues sur la morale et l'éthique utilisées, pas toujours sans arrière pensée, par ceux qui mettent ces critères en avant.
Désormais il faut que la grille de lecture soit la loi et quand la loi tolère des comportements choquants elle doit être changée ce qui est en passe d'être fait.
Appliquez maintenant cette grille et l'on verra que tout est beaucoup plus clair et que l'on évitera des dérives graves.
Dans l'affaire Fillon même si l'emploi de son épouse et de ses enfants peuvent choquer cela n'était pas interdit par la loi et donc il faut critiquer la loi, la reformer mais il n ' ya sur ce point rien a reprocher a Fillon. Par contre si les emplois ont été fictifs alors la loi  a été violée et cela doit être sanctionné.
Même chose dans le cas Ferrand. On peut penser ce que l'on veut de son comportement mais si la loi n'a pas été violée alors il n y a rien a faire.
Enfin dans ces affaires dans lesquelles on soupçonne une violation de la loi je suis contre cette règle qui a été mise en avant et appliquée à plusieurs reprises selon laquelle un ministre mis en examen doit démissionner.
C'est une règle qui a été adoptée par faiblesse, par opportunisme pour complaire au peuple mais qui, à mon sens est contraire à tous les principes et d'abord a celui de la présomption d'innocence qui est un grand principe protecteur des libertés individuelles. Il faut ajouter que la mise en examen est une règle fondamentale destinée précisément à protéger la présomption d'innocence et a permettre à la personne mise en examen d'accéder au dossier et de se défendre.
De très nombreuse personnes mises en examen ont, par la suite , été innocentées.
Dans ces conditions faire démissionner quelqu'un parce qu’il a été mis en examen est une atteinte à la présomption d'innocence et rien ne justifie un tel traitement.
Ensuite il faut deux choses:
Améliorer le fonctionnement de la justice et le rendre plus rapide car ce statut de mis en examen,préjudiciable, ne doit pas durer.Il faut savoir le plus rapidement possible si le mis en examen est coupable ou non.
D'autre part il faut que lorsque la culpabilité est avérée la sanction soit forte et que l'inéligibilité pour les politiques soit très souvent appliquée et pour des durées significatives.Il n'est pas acceptable qu’après avoir été condamné des politiques, comme cela est arrivé très souvent, soient réélus.
J’espère que la loi promise qui ne s’appellera pas loi de "moralisation" prendra en compte ces analyses. et que alors les choses seront claires et ne permettront plus cette atmosphère de chasse à la morale avec tout ce qu'elle comporte d'hypocrisie et de malsain .

mercredi 24 mai 2017

Dostoievski

Je me décide a relire Dostoïevski que je connais depuis longtemps et d'une manière étonnante. En classe de philo au Lycée Bugeaud à Alger je m'étais proposé pour un exposé et j'avais choisi comme sujet "Souvenirs de la maison des morts " de Dostoïevski.Pourquoi ce choix d'un auteur assez sombre a 17 ans? Tout simplement parce que mon père venait de recevoir dans la collection des Editions Suisses Rencontre ce livre de l'écrivain russe qui était précédé par une préface intéressante que j'avais , sans doute , abondamment copiée! Depuis je me suis toujours intéressé à la vie tourmentée et à l'oeuvre de cet écrivain tellement différent de Tolstoï. Je l'ai retrouvé en étudiant l'oeuvre et la vie d'André Gide, lequel a donné des conférences sur l'écrivain russe qui a aussi intéressé Freud. J'ai lu également ce que Stefan Zweig a écrit de lui et plus récemment le livre de Michel del Castillo " Mon frère l'Idiot". En un mot une fréquentation  épisodique mais sur une longue durée.
Je viens de relire l'Idiot justement ce livre qui évoque la vie du Prince Mychkine et son caractère si particulier. Si l'analyse de ce caractère est réussi le roman est tout de même un peu décevant car les histoires qu'il raconte sont assez peu vraisemblable même si l'on veut bien admettre le caractère particulier de l'âme russe. J'ai eu du mal a adhérer.
Le livre de Michel del Castillo qui se présente comme une lettre qu'il adresse a Fedor Dostoïevski est émouvant. Il faut dire qu'il a commencé par lire les Souvenirs de la maison des morts qui sont le récit des années de bagne alors qu'il était lui-même, tout jeune, dans un camp en Espagne. Une sorte de pion malade, amaigri ,buveur "Maestro" lui avait donné à lire des oeuvres de l'auteur Russe et il avait été bouleversé par ces lectures et il s'était senti une sorte d'affinité avec Dostoïevski.
Il faut dire que la vie de Dostoïevski est un roman et d'ailleurs beaucoup considèrent que  toutes les oeuvres de l'auteur russe sont un même roman et constituent une sorte de biographie au moins sentimentale de l'écrivain.
Sa vie et son oeuvre sont ,à l'opposé , de celle de Tolstoï . Tolstoï c'est l'histoire de la grande aristocratie avec ses serfs, ses bals, sa vie mondaine alors que Dostoïevski c'est la vie des "Pauvres gens", des "Humiliés et offensés" des malades et des joueurs!  Dostoïevski c'est la descente dans les sous terrain de l'âme humaine avec une confrontation permanente au mal.
Je relis aussi dans la Pléiade les conférences données par André Gide sur Dostoïevski avec toujours des analyses intelligentes dans un style magnifique.

dimanche 21 mai 2017

Un été avec Machiavel

Je connaissais déjà dans cette collection :un été avec Proust et un été avec Baudelaire. Ce nouveau titre :un été avec Machiavel sous la plume de Patrick Boucheron aux Editions des Equateurs   se lit, comme les deux autres agréablement et il nous permet de mieux connaître la pensée de Nicolas Machiavel qui a été bien souvent caricaturée.
L'auteur nous rappelle opportunément les définitions que donnait Flaubert dans son "Dictionnaire des idées reçues" de Machiavel et du machiavélisme.
"Machiavélisme mot que l'on ne doit prononcer qu'en frémissant"
"Machiavel . Ne pas l'avoir lu mais le regarder comme un scélérat."
Traîtrise, duplicité ce sont les mots qui reviennent mais l'auteur nous montre que dans le fond ce procès depuis toujours tient au fait que l'on ne sait pas comment le lire.
"Pour qui écrit Machiavel ?Pour les princes ou pour ceux qui veulent leur résister? (p.54)
Le livre le plus connu de Machiavel :"Le Prince" ( On apprend en lisant ce livre qu'il a écrit beaucoup d'autres choses: des lettres, des pièces de théâtre, des poèmes) s' intitulait en réalité :"Des principautés" et il est souvent perçu comme un mode d'emploi pour conquérir et garder le pouvoir.
Il y a tout un chapitre, très intéressant dont le titre dit tout "Le mal en politique" (p.61) et pose la question le Prince doit il être bon ou méchant, doit il être craint ou aimer? Vaste débat!
En tous cas ce petit livre fait justice de la maxime que l'on a souvent et à tort attribué a Machiavel:"La fin justifie les moyens"
"Machiavel ne l'a jamais écrite, mais IL N'AURAIT JAMAIS PU L'ECRIRE. Sa philosophie de la nécessité repose sur le principe de l'indécision des temps et de l'imprévisibilité de l'action politique:on ne saurait justifier la fin par les moyens puisque, au moment où l'on agit, la fin nous est inconnue;elle arrivera toujours trop tard pour justifier les moyens de l'action." (p.107)
J'ai aussi apprécié cette partie du livre où est évoquée une période qu'a connu Machiavel celle de Savonarole (chapitre 6) qui n'est pas sans évoquer fortement la question des islamistes de notre temps.
Enfin l'auteur termine en rappelant comment Machiavel a inspiré de nombreux penseurs politiques dans les siècles qui ont suivi sa mort en 1527.
Au total un livre qui est une nécessité pour tous ceux qui ne veulent pas demeurer dans une vision tronquée et erronée de Machiavel et du machiavélisme.

vendredi 19 mai 2017

La guerre et la paix: Abdelkader et la France

Ahmed Bouyerdene , universitaire connu et spécialiste de l’Émir Abdel Kader après avoir publié en 2008 Abdel Kader;l'harmonie des contraires nous donne aux Editions Vendémiaire un nouvel ouvrage sur les relations d'Abdel Kader avec la France. C'est d'abord un ouvrage très documenté et il suffit, pour s'en convaincre, de parcourir en fin d'ouvrage la bibliographie et les références aux documents d'archives.
Mais cette rigueur scientifique s'accompagne d'un style agréable et le tout est parfaitement lisible, accessible et évocateur. En un mot ce n'est pas un livre qui n'est destiné qu'aux historiens mais qui s'adresse a tous.
Je l'ai lu avec  beaucoup d'intérêt et bien que connaissant assez bien la vie de l’Émir pour avoir donné des conférences j'ai encore appris.
L'ouvrage comprend deux parties. dans la première l'auteur revient en détail sur la lutte qui a opposé l’Émir Abdel Kader à l'armée coloniale de la France en Algérie. Dans cette partie est mis en évidence sa grande capacité militaire mais aussi,les nombreux crimes de l'armée coloniale et la valse hésitation du pouvoir politique concernant l'Algérie. A l'heure ou un candidat à la Présidence de la République, devenu Président a évoqué les crimes contre l'humanité commis en Algérie les lecteurs se rendront compte que si l'on peut discuter la notion de crime contre l'humanité de nombreux et très graves crimes de guerre ont indiscutablement été commis. Les français seraient bien avisés de lire cette partie pour connaître la réalité et éviter de de se voiler la face.
Cette partie se termine par la reddition de l’Émir, victime à la fois des forces françaises mais aussi et surtout du manque de soutient (c'est un euphémisme) du Maroc voisin et d'un certain nombre de tribus. A l'occasion de cette reddition une promesse , qui fut la condition de cette reddition, fut faite de manière claire et nette a l’Émir par le Général Lamoricière et par le fils du Roi de France, celle de lui permettre une installation de lui-me^me et de sa famille à Alexandrie pour ensuite s'installer à la Mecque.
Or cette promesse ne fut pas tenu par le gouvernement français qui, se déshonorant, fit emprisonner l’Émir en violant la promesse faîte.
La deuxième partie de l'ouvrage , très intéressante nous montre les conditions de captivité de l’Émir à Toulon puis à Pau et enfin a Ambroise
Est également rapportée de manière très précise l'ensemble des débats politiques qui, tout au long de cette période d’emprisonnement n'ont cessé de se tenir autour de la question de la libération de ce prisonnier.L'auteur étudie aussi l'action de diverses personnalités qui, outrées par la violation de la promesse faite, ont œuvré pour parvenir à la libération de ce détenu.
C'est finalement Napoléon III qui fit liberer l’Émir dont le sort évoquait, pour lui l'emprisonnement de son oncle Napoléon a Sainte Hélène et sa propre détention.
Le livre se termine par l'attitude de l’Émir qui, magnanime, pardonna le parure et eut un comportement irréprochable à l'égard de la France  et on rappellera ,pour mémoire, l'attitude de l’Émir en Syrie qui réussit a sauver de très nombreux chrétiens ce qui lui valut des distinctions dans le monde entier et notamment du Pape.
Il faut absolument lire ce livre qui fera mieux connaître cette partie de l'histoire de France et qui vous fera connaître un personnage très particulier qui disait lui-m^me qu'avant d'être chef de guerre il était avant tout un religieux et un penseur. J'ajoute qu'à l'heure de l’islamisme politique  et de ces ravages la connaissance des idées de l’Émir serait très utile au oint qu'il serait intéréssant de l'enseigner dans les écoles.

mercredi 3 mai 2017

Les écrivains et le fait divers

Minh Tran Huy vient de publier aux éditions Flammarion un essai :"Les écrivains et le fait divers. Une autre histoire de la littérature. Je ne pouvais pas passer a côté de ce livre qui fait écho à celui que j'ai moi-même publié en 2004 aux Editions Atlantica: "Justice et littérature" et dans lequel j'examinai le rapport  que les écrivains ont entretenu depuis toujours avec les affaires judiciaires. Mon plan consistait a examiner dans une première partie comment la Justice pouvait être amené a juger les écrivains et dans l'autre comment les écrivains , de leur côté, avaient depuis toujours utilisé les affaires judiciaires comme source d'inspiration.
Dans le présent livre le propos est plus large puisqu'il est question du fait divers q'il fasse ou non l'objet d'une procédure judiciaire. Les développements sur la façon dont les faits divers depuis très longtemps ont passionné et le public et les écrivains est très fournies et très intéressantes.Elle analyse la manière dont le journalisme a utilisé ces faits divers pour faire du sensationnel et vendre mais aussi comment les écrivains ont tenté ,avec plus ou moins de succès, d'expliquer le fond de ces faits en les analysant sous l'angle économique et social. On retiendra notamment les tentatives d'explication par la lutte des classes du crime des soeurs Papin qui tuèrent sauvagement leur employeur. Affaire qui donna également naissance à la pièce de Jean Genet "Les bonnes".
On relira avec consternation les élucubrations de Marguerite Duras sur le crime du petit Villemin ou elle accusa sans aucune preuve la mère de l'enfant! "Sublime, forcement sublime!
Dans un chapitre, en réalité à mon sens le plus faible de cet essai et intitulé: "La Cour d'Assises comme laboratoire"l'auteur analyse le travail d'André Gide "Souvenirs de la Cour d'Assises" et le roman de Camus, l'Etranger avec sa vision de la Justice et de la peine de mort. On y apprend rien de nouveau.
L'auteur monte aussi comment les écrivains se documentent, examinent les pièces du dossier judiciaire pour ensuite écrire leur roman. J'a pratiqué exactement de la même façon lorsque j'ai écrit : "Retour au pays" publié en 2004 chez Atlantica. Un fait divers rapporté par le journal Libération avait attiré mon attention: un tunisien avait usurpé un nom de français pour demeurer en France, pris par la police il avait été jugé, condamné et s'était suicidé en prison. J'avais été consulté le dossier au palais de Justice de Montpellier.